• Aequador
    Laura Huertas Millan
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Aequador-Panorama 14

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    Avec Aequador, voyage uchronique au sein d’un territoire incertain où se superposent des éléments qui n’étaient pas destinés à se rencontrer, Laura Huertas Millán poursuit la réflexion déjà à l’œuvre dans ses précédentes créations : la nature comme lieu de surgissement d’une altérité, la question de l’étranger et de l’étrangeté, l’hybridation de récits d’origines différentes. Dans son Voyage En La Terre Autrement Dite, qui constitue l’autre volet de cette série, le présupposé du film était en quelque sorte inversé : la nature reconstituée sous cloche se déployait au cœur de la serre équatoriale de Lille et enfantait une fiction végétale peuplée de figures mystérieuses, alors qu’Aequador greffe dans le décor naturel de la forêt amazonienne des architectures rationalistes d’Europe de l’Est d’une époque révolue, modélisées en 3D. L’intrusion de l’image de synthèse ne discrédite pas les vues documentaires des champs agricoles ou de la forêt vierge, elle y insinue le doute et déplace ses enjeux, sans laisser de coexister avec elle. Comme l’Amaurote de Thomas More, Aequador fait partie de ces sites « sans lieu » et de ces « histoires sans chronologie » (Foucault) propres aux utopies. En effet, cette exploration fragmentaire en forme de dérive s’inscrit dans une zone qui se trouve être l’Amazonie colombienne, mais que l’on échoue à vouloir dater ou situer précisément tant la cinéaste brouille la topographie existante pour y découper son propre espace. Le travail du son tend lui aussi à la déréalisation des images ethnographiques ou anthropologiques du tournage, pour servir l’écriture d’un présent parallèle. La critique d’un ordre existant, comme il est coutume dans les récits utopiques, est aussi légèrement décentrée : si elle évoque les projets de « civilisation » en Amérique latine ou le recul programmé de la forêt tropicale, elle finit par s’attarder, depuis le point fluctuant d’une barque, sur le rapport des corps et de l’architecture (virtuelle et réelle) à un territoire où la nature reste, ou pourrait rester, souveraine.
    _ Anne Marquez